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Cinq questions sur la forte hausse de la taxe foncière, dont le montant va bondir dans de nombreuses villes

Article rédigé par franceinfo
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Une vue de la ville de Chambéry (Savoie), le 3 juin 2020. Dans toutes les communes, la taxe foncière augmente au moins de 7,1% cette année. (VINCENT ISORE / MAXPPP)
Les premiers avis d'imposition sont envoyés mercredi pour les propriétaires qui ne sont pas mensualisés. Et la note, qui va augmenter dans toute la France, s'annonce particulièrement salée dans certaines communes.

C'est la mauvaise surprise au retour des vacances : la taxe foncière va connaître cette année une hausse généralisée sans précédent depuis près de quarante ans. A cette augmentation de plus de 7% pour tout le territoire, due à l'inflation, il faudra peut-être aussi ajouter, selon votre commune, une hausse supplémentaire votée par certaines municipalités. Dans plusieurs villes, l'addition sera ainsi particulièrement salée et la facture va considérablement gonfler.

>> INFOGRAPHIE. Visualisez l'augmentation de la taxe foncière dans les 191 plus grandes villes de France

Les Français propriétaires de leur logement qui ne mensualisent pas cet impôt local vont découvrir leur avis d'imposition mercredi 30 août sur leur espace fiscal en ligne. Pour les contribuables qui paient cette taxe chaque mois, il faudra attendre le 22 septembre pour connaître le montant de la douloureuse. Franceinfo répond à cinq questions sur cette forte augmentation, qui ne touchera pas tous les propriétaires de la même manière, selon leur lieu de résidence.

1Cette augmentation était-elle à prévoir après la suppression de la taxe d'habitation ?

Promesse du candidat Emmanuel Macron en 2017, la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales est entrée progressivement en vigueur de 2018 à 2020 pour 80% des foyers. Les 20% restants – les ménages les plus aisés – bénéficient eux de cette exonération totale depuis le 1er janvier 2023.

En annonçant la suppression de cet impôt local (près de 22 milliards de recettes en moins pour les collectivités territoriales), le gouvernement l'avait promis : il n'y aurait pas de nouveaux impôts ou de nouvelles taxes en contrepartie. Comme l'avait affirmé en 2018 le ministre des Comptes publics de l'époque, Gérald Darmanin, la fin de la taxe d'habitation devait être compensée par le surplus de recettes fiscales engendré grâce à la croissance. Mais c'était sans compter la crise économique liée à la pandémie de Covid-19, qui a entraîné une plongée historique du PIB (baisse de 8% en 2020).

Pour compenser, une importante réforme de la fiscalité locale a été adoptée dans le cadre du projet de loi de finances 2020. Elle a instauré le transfert de la part de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) perçue par les départements vers les municipalités et un mécanisme de "coefficient correcteur" : les communes "excédentaires" grâce à ce transfert versent ce surplus à un fonds, afin de combler les déficits des autres villes.

Mais ces mécanismes de compensation ne prennent pas en compte l'évolution de la situation des communes depuis la réforme. Selon un rapport (en PDF) de la Direction générale des finances publiques (DGFIP) paru en juillet 2022, et cité par Les Echos, une forte augmentation des impôts locaux (taxe foncière et taxe sur les ordures ménagères) a ainsi suivi la réforme.

2Comment expliquer cette forte hausse cette année ?

A la suppression de la taxe d'habitation, viennent s'ajouter d'autres causes conjoncturelles et variables selon les villes.

L'assiette de la taxe foncière comprend plusieurs éléments. Le premier repose sur les "valeurs locatives cadastrales". Comme l'explique Challenges, ces données sont calculées à partir de la surface du logement – majorée de critères de confort, de situation géographique, etc. –, multipliée par un tarif fixé en fonction de l'état du bien. Ces valeurs n'ont pas été révisées depuis 1970 et ne le seront pas avant 2028, car leur mise à jour engendrerait un "bouleversement fiscal", selon le magazine économique.

Ces valeurs locatives cadastrales, qui servent de base au calcul de la taxe foncière, sont indexées sur l'inflation. Pour 2023, la hausse des prix engendrée par la guerre en Ukraine a ainsi entraîné mécaniquement une hausse de la taxe foncière de 7,1% pour tous les propriétaires (contre 3,4% en 2022). Une augmentation sans précédent depuis 1986, selon l'Unpi (Union nationale des propriétaires immobiliers). Pour André Laignel, maire socialiste d'Issoudun et président de l'Observatoire des finances et de la gestion publique locale, il aurait pourtant été possible de faire autrement. "Il s'agit d'un choix politique de la part de la majorité et de l'exécutif", juge l'élu auprès de franceinfo.

"Il aurait été possible d'indexer la dotation globale de fonctionnement de l'Etat aux communes sur l'inflation. Mais le gouvernement et sa majorité ont refusé cette solution."

André Laignel, maire socialiste d'Issoudun

à franceinfo

A ces 7,1%, s'ajoute le taux d'imposition voté tous les ans par les collectivités locales. Celui-ci peut augmenter, diminuer ou rester inchangé. Or cette année, il est à la hausse dans 14% des communes françaises. Et certaines ont même très largement alourdi la note.

La taxe foncière est un levier efficace pour financer, par exemple, la hausse des prix alimentaires pour les cantines scolaires, l'augmentation du coût du chauffage dans les piscines municipales ou encore de l'essence dans les camions-poubelles. Le taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM), payée en même temps que la taxe foncière, va d'ailleurs lui aussi bondir. Selon les calculs du cabinet d'études FSL, relayés par Les Echos, il va augmenter dans 37% des territoires. Les municipalités doivent aussi absorber la hausse de la rémunération de leurs personnels, avec la revalorisation du point d'indice des fonctionnaires, de 3,5 % au 1er juillet 2022.

3La nouvelle déclaration de biens a-t-elle contribué à cette hausse ?

La déclaration de biens immobiliers était l'une des nouveautés de l'année 2023 en matière de fiscalité. En plus de leur déclaration de revenus, les propriétaires devaient remplir une déclaration en ligne, en précisant la superficie, les occupants ainsi que la nature du logement. Un moyen pour l'administration fiscale de faire le tri entre les résidences principales et secondaires (ces dernières étant toujours soumises à la taxe d'habitation), les logements en location ou vacants. 

"Les propriétaires doivent déclarer tout changement susceptible de faire évoluer la valeur cadastrale, comme la construction d'une piscine, d'une véranda ou la transformation d'un garage en pièce d'habitation", rappelait auprès de Challenges Blandine Roul, notaire membre du groupe Monassier. Ces extensions et améliorations peuvent elles aussi entraîner une hausse de la taxe foncière. Mais ce ne sera pas avant l'année prochaine, "durée des traitements informatiques" oblige, comme le signalait la DGFIP dans les colonnes de Ouest-France.

4Dans quelles villes la taxe foncière augmente-t-elle le plus ?

Parmi les 191 villes de plus de 40 000 habitants, Paris détient la palme de l'augmentation du taux local de la taxe foncière. Celui-ci s'élève à 51,9%, ce qui porte à 62,7% l'augmentation totale de cet impôt (avec les 7% décidés par l'Etat). Alors qu'elle s'était engagée pendant la campagne des municipales à ne pas augmenter les impôts locaux, la maire socialiste de la capitale, Anne Hidalgo, a expliqué que cette hausse – une première depuis 2011 – devrait permettre d'investir 1,2 milliard d'euros supplémentaires dans des piscines, des crèches, des espaces verts ou des pistes cyclables d'ici 2026.  

"Les hausses sont à rapporter aux taux d'imposition initiaux auxquels elles s'appliquent, rappelle Maël Bernier, directrice de la communication du comparateur Meilleurtaux. Les Parisiens ne payent pas cher leur taxe foncière comparé aux autres grandes villes. Pour 77 m2 dans la capitale, la taxe foncière était de 770 euros en 2022, contre 1 639 euros à Montpellier et 1 675 euros à Nîmes", explique-t-elle à franceinfo.

Autre augmentation notable, celle de Meudon (Hauts-de-Seine), où le taux communal grimpe de 35,1%. "Les propriétaires restent gagnants par rapport à la taxe d'habitation", assure toutefois dans Le Parisien Denis Larghero, maire (UDI) de la ville. Dans le trio de tête des augmentations pour 2023, figure aussi Grenoble (Isère), avec 24,40% de hausse. Objectif de la mairie écologiste : lever 44 millions d'euros pour financer un "bouclier de justice sociale et climatique"

5Quels sont les réactions et les recours face à ces hausses ?

Dans certaines villes, ces augmentations votées dans le cadre du budget 2023 ont provoqué du grabuge. A Grenoble, par exemple, trois adjoints du maire écologiste, Eric Piolle, se sont vus privés de leurs délégations en conseil municipal après avoir exprimé publiquement leurs réserves sur cette hausse.

Du côté des propriétaires, certains n'hésitent pas à saisir la justice pour contester ces augmentations, assistés par l'Unpi (Union nationale des propriétaires immobiliers). Dans Le Figaro, l'association prévient qu'elle "attaquera les augmentations de taxes foncières partout où ce sera possible". A Marseille, un recours devant le tribunal administratif avait déjà été déposé par près de 300 propriétaires pour dénoncer la hausse de cet impôt dans le budget 2022, de l'ordre de plus de 12%. "Au moment du vote, la guerre en Ukraine et la hausse de l'indice du point des fonctionnaires ont été ajoutés pour justifier l'augmentation, alors que ces facteurs n'existaient pas au moment des travaux préparatoires du budget", dénonce leur avocat, Jacques Gobert, mandaté par l'Unpi.

"C'est une cagnotte pour la majorité actuelle en vue des élections municipales de 2026."

Jacques Gobert, avocat de propriétaires marseillais

à franceinfo

Si la justice a finalement annulé le budget 2022 de Marseille, elle "a donné la possibilité de le revoter avant le 30 septembre 2023", à condition de fournir tous "les éléments calcul" du budget, explique l'avocat. Résultat : la hausse de la taxe foncière est restée la même. D'autres recours judiciaires sont menés à Thiers (Puy-de-Dôme), où la hausse est de 18% cette année, ou encore à Lyon (9%). A Grenoble, il a été rejeté. "Le ras-le-bol fiscal, il est surtout sur les lèvres, observe Jacques Gobert. Ça ne défile pas encore dans les tribunaux, mais ça monte."

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